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9 octobre 1981 : promulgation de la loi portant abolition de la peine de mort en France

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"Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, j'ai l'honneur au nom du Gouvernement de la République, de demander à l'Assemblée nationale l'abolition de la peine de mort en France". C’est Robert Badinter, Garde des sceaux, qui à la tribune, prononce solennellement cette première phrase d’une grande sobriété. Au-delà des mots qui feront date et derrière lesquels l’émotion se devine, la France veut mettre un terme à la barbarie d’une époque révolue mais le discours sera souvent interrompu, l’atmosphère houleuse. Si les applaudissements crépitent parfois, les attaques frontales se font virulentes. Quelques semaines plus tard, le 9 octobre, la loi portant abolition de la peine de mort est promulguée. Retour sur cette grande page de notre démocratie.

10 mai 1981, François Mitterrand est élu président de la République. C’est la première fois qu’un candidat de gauche l’emporte depuis la création de la 5° République. Durant sa campagne, jamais il n’a caché son aversion pour la peine de mort. Attitude d’autant plus courageuse que les Français, eux, se prononcent encore majoritairement pour le maintien de la peine capitale. Le 21 mai, le nouveau président gravit les marches du Panthéon et dépose une rose sur les tombes de Jean Jaurès, de Jean Moulin et de Victor Schoelcher qui en 1848 fut l’artisan de l’abolition de l’esclavage. Dans le cabinet de Pierre Mauroy, Robert Badinter est nommé au ministère de la Justice, place Vendôme.

Robert Badinter est avocat, membre du PS depuis 1971. Cette année-là, l’affaire Buffet Bontemps fait les gros titres des journaux. Claude Buffet condamné à perpétuité et Roger Bontemps condamné à vingt ans, ont égorgé une infirmière et un gardien lors d’une prise d’otages à la centrale de Clairvaux. Face à cette violence, certains Français n’hésitent pas à manifester pour une plus grande fermeté de la justice. Les deux hommes sont condamnés à la peine capitale et guillotinés le 29 novembre 1972.

Si lors de son procès Buffet ne fait pas mystère du sang qu’il a sur les mains, Roger Bontemps lui, n’a tué personne. C’est un braqueur, pas un tueur. Son exécution capitale révolte son défenseur qui n’est autre que Badinter. Dès lors l’avocat parisien fera de l’abolition de la peine de mort, le combat de sa vie. Il y aura aussi le cas de Christian Ranucci, un jeune homme de 20 ans, guillotiné en juillet 1976 pour le crime d’une fillette et dont les derniers mots seront : Réhabilitez-moi… tant sont nombreuses les incohérences dans ce dossier. Enfin comment oublier l’affaire Patrick Henry et le fameux : La France a peur… de Roger Gicquel au 20 heures de TF1 ?

Badinter va sauver la tête de Patrick Henry qui sera condamné à la réclusion à perpétuité. En fait, il a surtout plaidé contre la peine de mort au moment même où s’agglutinait autour des grilles du palais de justice une foule en colère scandant  A mort ! et réclamant une justice plus expéditive. Il fallait oser mais après sa plaidoirie, le doute s’est installé dans les esprits. 

Ecoutez la voix de la justice et de la raison, disait  Robespierre ; elle vous crie que les jugements humains ne sont jamais assez certains pour que la société puisse donner la mort à un homme condamné par d'autres hommes sujets à l'erreur.

Indissociable de la peine de mort en France, la guillotine bien sûr. Elle est l’œuvre de deux hommes : le docteur Guillotin qui en préconisa l’usage devant les députés de la Constituante en novembre 1789 : nobles ou gueux auraient ainsi une même égalité devant la mort. Ce qui n’était pas le cas auparavant, et le docteur Louis, chirurgien, pour qui la guillotine était pratiquement un instrument de bienfaisance ; la mort étant obtenue instantanément et prétendait-il sans souffrance. En fait, Guillotin, lui, souffrira de l’usage fait de son nom sa vie durant et même bien après sa mort. Enfin, la guillotine, une invention française ? Pas sûr, elle aurait vu le jour en Italie sous une forme plus rudimentaire, la mannaia. Une chose est sûre, les noms n’ont pas manqué pour désigner ce sinistre instrument de mort. La guillotine, c’est la veuve, la bécane, le rasoir national sous la Révolution, l’abbaye de monte-à-regrets. On parlait aussi de la bascule à Charlot car le condamné était sanglé sur une planche que l’on basculait et accomplissait le saut de la carpe, Charlot étant le sobriquet de Charles Sanson, un célèbre exécuteur des hautes œuvres. On parlait aussi d’éternuer dans la sciure…L’échafaud désignait en réalité la haute estrade sur laquelle était installée la guillotine. Une peine supplémentaire d'infamie de dix marches à gravir supprimée par la suite. Pendant la révolution, plusieurs dizaines de milliers de Parisiens innocents ont été guillotinés et contrairement à une idée reçue, on compte parmi eux bien plus de gens du peuple que d’aristocrates. Devenu l’instrument de la peine capitale, on parlera ensuite des bois de justice. La dernière fois que le public a croisé la veuve, c’était au musée d’Orsay lors de l’exposition Crime et châtiment qui se déroula du 16 mars au 27 juin dernier.

texte de Gérard Conreur, sur France-Culture.


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