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7 octobre 2011 5 07 /10 /octobre /2011 07:15

 

 

Dans le monde, chaque année est célébré Hazkarah. Hazkarah est une commémoration dédiée aux victimes sans sépulture de la Shoah. Cette année, c'est Madame de Fontenay qui fut invitée à s'exprimer. Voici le texte de son discours. 

 

 

 

2 octobre 2011

 

 


 

Allocution d'Elisabeth de Fontenay,

philosophe, maître de conférence à la Sorbonne (Paris I)

 

Chers amis,

 

J'ose m'adresser à vous en disant « Chers amis» alors que vous ne me connaissez probablement pas et que vous ne savez pas que, malgré mon nom qui est celui de mon père, je suis des vôtres, par ma mère juive et par le fait que cinq membres de sa famille, de ma famille sont morts à Auschwitz : ma grand-mère, Anna Hornstein, la sœur de ma mère, son beau-frère et mes deux petits cousins, Micheline et Daniel Feinstein qui avaient dix et huit ans, à peu près l'âge de mon frère et le mien. Que leurs cinq noms soient gravés sur le mur du Mémorial me donne le droit d'employer cette expression qui est tout, dans ma bouche, sauf une formule de politesse, le droit de vous dire : « Chers amis».

 

 

discours_defontenay.jpeg

De gauche à droite : Jacques Fredj, directeur du Mémorial, Elisabeth de Fontenay, philosophe, Eric de Rothschild (dans l'ombre), président du Mémorial de la Shoah.

 


C'est à Eric de Rothschild que je dois l'honneur de vous parler en ce jour de Hazkarah. Il a lu un livre d'entretiens que j'ai récemment fait paraître et dans lequel je parle longuement et de la perte de ma famille et de la trace profonde dont la Shoah a marqué ma vie (1). Il reste qu'à cette place que j'occupe aujourd'hui devant vous et avec vous, je n'oublie pas la grandeur de ceux qui m'ont précédée: Robert Badinter, Georges Charpak, Serge et Béate Klarsfeld, Claude Lanzmann, Simone Veil.

 

 

discours_edr.jpeg

Eric de Rothschild, président du Mémorial de la Shoah.

 

 

Notre cérémonie a lieu dans cette période autour de Roch Hachana et de Kippour, en ce temps que la tradition juive qualifie de «jours redoutables », et pendant laquelle il est demandé qu'on fasse pénitence. Et la première pensée que m'inspire la place qu'occupe notre commémoration dans le calendrier religieux, c'est la difficulté infinie que nous avons à dissocier les événements historiques des événements bibliques et des fêtes qui les célèbrent. Oui, c'est ainsi, qu'on le veuille ou non, qu'on soit laïque ou observant, l'histoire de la persécution se mêle à l'histoire religieuse, et le plus entêté des athées, s'il est juif, ne peut critiquer le fait qu'on dise le Kaddish lors de nos cérémonies du souvenir.

 

Le bouleversant El Mole Rahamim n'a-t-il pas intégré aux paroles de la prière les noms d'Auschwitz, de Maïdanek, de Treblinka. Et Zakhor, l'injonction de se souvenir vaut aussi bien pour la promesse faite à Abraham et la loi donnée à Moïse que pour l'effroyable extermination des juifs d'Europe. C'est ainsi, on n'y peut rien, et c'est cela, sans doute, la différence juive, que, d'une part, la mémoire et l'histoire de la persécution bimillénaire puisse s'entrelacer à l'intimité familiale et que, d'autre part, les larmes du Yom HaShoah puissent répondre à celles du 9 d'Ab, qui commémorent la destruction du premier et du second Temple.

 

Oui, mais voyez-vous je ne puis aller dans ce sens que jusqu'à un certain point, et ce point est celui de la «pénitence» ? Car nous nous révoltons quand des extrémistes religieux viennent nous dire que Birkenau et les autres centres d'extermination furent une expiation, que le jugement divin s'y est manifesté contre un peuple qui avait péché en s'émancipant du poids de la tradition, qui avait manqué de fidélité aux prescriptions de sa loi. L'idée qu'il faudrait faire pénitence quand nous commémorons nos morts est parfaitement indécente. Claude Lanzmann a eu des mots très durs pour cette interprétation religieuse et, grâce à lui, grâce à son œuvre, le mot «Shoah» a remplacé en français le mot «holocauste».

 

Car ce qui s'est passé en ce temps-là ne peut recevoir que des explications insuffisantes, qu'elles soient politiques ou économiques, et ne peut revêtir aucune signification, qu'elle soit philosophique ou religieuse. La seule chose à en dire, c'est que cela n'aurait jamais dû avoir lieu et que c'aurait pu ne pas avoir lieu si les nations, si les démocraties n'avaient pas laissé faire Hitler. Certains condamnent notre incapacité à mettre fin au deuil.

 

Mais est-ce que ce terme convient, alors même qu'il ne peut pas y avoir de travail du deuil, qu'on n'a pas vu le corps, les corps une dernière fois, qu'on n'a pas de tombes à honorer, qu'on on ne sait rien des derniers moments de nos bien-aimés sinon, grâce à Serge Klarsfeld, la date des convois et leur destination, qu'on ne peut même pas, après coup, les accompagner en pensée le long de ces jours effroyables qui se déroulèrent entre leur arrestation et leur condamnation à un travail forcé qui tua la plupart d'entre eux, ou bien encore et surtout, entre leur arrestation et leur mort sans délai dans la chambre à gaz.

 

Notre mémoire inguérissable, inapaisable, toujours à vif a été critiquée de trois points de vue. On a dit d'abord que son caractère obsessionnel empêchait le travail historique de se constituer avec l'objectivité qui convient à la science. C'est faux, nous admirons passionnément les historiens, (les vrais, pas les négationnistes, bien sûr, qui usurpent ce titre), nous avons toujours considéré que l'histoire de la Shoah constituait, avec les témoignages, le plus grand geste de piété qui pouvait être offert à nos morts, et nous n'avons jamais opposé la protestation de nos mémoires individuelles ou collectives à ce travail.

 

Simplement nous pensons, comme Saül Friedlander, que quelque chose de l'immensité, du caractère sans limite de cette catastrophe juive, de ce désastre qui a touché l'idée même d'humanité, quelque chose résiste et résistera toujours aux analyses historiques et rationnelles qui tentent d'en rendre compte.

 

On a dit ensuite que cette présence toujours encore vivante de nos morts nous replierait sur nous-mêmes, nous constituerait en communauté obsédée par son passé et indifférente aux souffrances des autres peuples. C'est faux. Nous sommes, certes, fermement attachés à l'idée d'une unicité de la Shoah. L'extermination systématique et industrielle dans les camps, les exécutions systématiques à l'Est par les armées nazies et leurs supplétifs ukrainiens, polonais, roumains et lettons, cette entreprise ne peut être comparée à aucune autre, y compris aux pogromes, elle n'a eu lieu qu'un fois, elle ne se répétera pas.

 

Mais pour autant, forts que nous sommes de cette expérience atroce de l'absolue faiblesse, nous gardons les yeux ouverts sur les injustices qu'ont subies les autres peuples. Et j'évoquerai des initiatives prises, ici même, justement, au sein du Mémorial. Georges Bensoussan a consacré un numéro de la Revue d'histoire de la Shoah qu'il dirige au génocide des Tsiganes, un autre numéro au génocide des Arméniens, un autre numéro encore au Rwanda. Et le Mémorial accueille le 6 octobre prochain l'ouverture d'un grand colloque intitulé « Tsiganes, Nomades, Un malentendu européen ». C'est dire...

 

Une troisième sorte de critique est adressée aux Israéliens et bien entendu elle nous vise, nous aussi, juifs de France. Si l'on veut résoudre le problème de la guerre interminable au Moyen-Orient, affirment certains, il faudra arriver à oublier « l'holocauste », comme ils disent. Car dans ce ressassement, il n'y aurait aucune place pour les Palestiniens, pour le Moyen-Orient ou pour les Arabes...

 

Derrière une telle critique, surgit le vieux reproche d'instrumentaliser la Shoah, de se servir d'Auschwitz pour justifier une attitude sans concession vis-à-vis de certains Arabes et de certains musulmans. Se souvenir du génocide des juifs, ce serait donc faire obstacle à la difficile construction de la paix, cela ferait plus que brouiller les cartes, cela pourrait mener à assimiler les Palestiniens aux nazis. Que répondre à ces accusations, sinon que la fondation du mouvement sioniste a précédé de près de cinquante ans la Shoah, sinon que la justification historique de la création d'un Etat juif fut d'accueillir les survivants, sinon qu'une angoisse héréditaire étreint légitimement les Israéliens qui viennent d'Europe, sinon qu'Ahmadinejad menace Israël et les juifs en même temps qu'il promeut le négationnisme?

 

Menahem Begin comme Yitzhak Rabin n'oubliaient aucunement la destruction des Juifs quand ils tentaient de conclure les accords de paix que l'on sait. Je voudrais maintenant aborder un point particulièrement douloureux pour moi dont le père fut un Résistant et même un clandestin, à savoir le conflit latent entre les victimes juives et les victimes issues de la Résistance. Michel Zaoui qui a représenté certaines de vos associations aux procès Barbie, Touvier et Papon a évoqué clairement dans son livre Mémoires de justice ce désaccord profond entre les uns et les autres. Et je reprends ici son analyse.

 

A l'issue de l'instruction du procès Barbie, les seules victimes retenues dans la procédure étaient juives. Mais les Résistants, victimes de crimes de guerre, refusaient d'accepter qu'on ne leur permette pas de se constituer parties civiles sous le prétexte que les crimes de guerre sont prescrits au bout de dix ans. Ils ont donc réclamé, pour pouvoir bénéficier de l'imprescriptibilité, que la qualification de crime contre l'humanité soit appliquée aux assassinats, tortures et déportations que leur avait fait subir le boucher de Lyon. Ainsi, au lieu que les Résistants aient été accueillis, en temps opportun, à la Cour d'Assises de Lyon, en tant que victimes de crimes de guerre, a-t-il fallu que la Cour de Cassation, en décembre 1985, rende un arrêt assimilant les crimes de guerre à des crimes contre l'humanité.

 

Simone Veil écrivit alors: «Nous, les victimes, n'avons jamais demandé à être considérées comme des héros, alors pourquoi faut-il maintenant que les héros veuillent à tout prix, au risque de tout mélanger, être traités en victimes ?»

 

Ce qui n'est pas seulement un malentendu a atteint son comble quand l'ancien Premier Ministre, Pierre Messmer, à la fin de son témoignage au procès Barbie fit cette déclaration. Je la cite avec colère « Mais je voudrais aussi dire, que quelque soit le respect que nous devons à toutes les victimes des guerres et particulièrement aux victimes innocentes, ces femmes, ces enfants, ces vieillards, je voudrais dire que je respecte plus encore celles qui sont mortes debout et les armes à la main, car c'est à elles que nous devons notre libération. »

 

Cette phrase que, malheureusement, beaucoup de résistants français auraient pu prononcer témoigne d'une grande ignorance. D'abord parce qu'il y eut une résistance juive, dans les ghettos et dans les camps, il y eut une magnifique résistance juive en France, celle des partisans de la M.O.I et celle qui se mit en place pour organiser le sauvetage des enfants. Ensuite, parce que faire en sorte de survivre, soi-même et sa famille dans un tel contexte de privation de tout droit, y compris celui de vivre, c'était déjà un acte de résistance.

 

Ceux qui stigmatisent la passivité juive ne connaissent pas la réalité de ce qui s'est passé, famille après famille. Résister quand on est arrêté avec des parents âgés, souvent infirmes, des enfants en bas âge, une femme parfois enceinte, était-ce envisageable ? Non, bien sûr, et le mépris teinté de pitié pour ceux qui se sont laissé emmener «comme des moutons à l'abattoir» me semble parfaitement ignoble, qu'il vienne des non juifs ou de ces sabras qui, dans les premières années de l'Etat d'Israël, ont manifesté une totale incompréhension envers les rescapés.

 

Et puis, je pense à ce rabbin, évoqué l'an dernier devant vous par Robert Badinter, dont on a rapporté que, marchant à la tête d'une longue cohorte de vieillards et d'enfants mêlés aux adultes qu'on menait à l'Umschlagplatz où les attendaient les wagons pour Treblinka, ce vieux rabbin scandait d'une voix forte: Lehaïm, yids, Léhaïm. Des actes de courage juif comme celui-là, il y en eut des milliers, et comment pourrais-je ne pas prononcer ici le nom du plus pur héros de ce temps-là, Janus Korcszac, qui choisit, alors que les nazis lui accordaient la vie sauve, d'aller avec ses orphelins, à la chambre à gaz.

 

Le dilemme juif, l'oscillation permanente entre la violence et la non-violence, je la vois à l'œuvre dans le nom de Schwarzbard. Ce nom, avec deux orthographes à peine différentes, a été porté par deux jeunes hommes. Le premier, vous le connaissez, est l'anarchiste sioniste, Samuel Schwarzbard, qui a assassiné le chef pogromiste Petlioura à Paris, rue Racine, près du boulevard Saint Michel le 25 mai 1926.

 

Ce jour-là, il a interpellé un homme qu'il traquait depuis un an, et lui à demandé à deux reprises s'il était bien Petlioura. Puis, en criant « Assassin! Voilà pour les massacres, voilà pour les pogromes! », il a tiré à cinq reprises sur l'homme qui s'était retourné vers lui et s'est rendu immédiatement aux policiers auxquels il a déclaré: « J'ai tué un assassin. ». En octobre 1927, il sera jugé : l'avocat Henri Torres le défendra en une plaidoirie admirable ; les jurés de la cour d'assises l'acquitteront à l'unanimité. «J'ai ouvert, écrivit Samuel Schwarzbard -mais il signait Scholem-, j'ai écrit un nouveau chapitre dans notre sombre et sanglante histoire millénaire : assez d'esclavage, assez versé de larmes, cessons d'implorer, de crier, de suborner! »

 

Ce ne fut pas là un fait divers mais un «crime fondateur» qui, en quelque sorte, devint comme un exemple à suivre. David Frankfurter assassinera le 4 février 1936, à Davos, Wilhelm Gustloff, activiste du parti nazi suisse, et sera condamné à 18 ans de prison par la cour de Coire. Herschel Grynszpan, le 7 novembre 1938, assassinera le secrétaire d'ambassade Ernst vom Rath et sera livré par la police vichyste aux nazis. Le personnage était certes un peu trouble, mais lui aussi voulait venger ses parents expulsés d'une ville allemande et privés de ressources. Son acte servira de prétexte, hélas!, au déclenchement de la Nuit de Cristal.

 

Et puis bien sûr, il y aura Marcel Rayman, résistant FTP de la MOI, la main-d’œuvre immigrée, qui fut fusillé au Mont Valérien après avoir commis plusieurs attentats contre les troupes d'Occupation.  Ce modèle de l'action directe inspira aussi des intellectuels juifs émancipés qui y virent l'éveil d'une nouvelle mentalité, de ce qu'ils appelaient à l'époque une «régénération ».

 

Et le journaliste Bernard Lecache, d'origine juive ukrainienne, se réclama de l'assassin de l'ataman Petlioura pour, en février 1929, dans la foulée de la Ligue contre les Pogromes, fonder la LICA, la Ligue Contre l'Antisémitisme. Sa revue, Le Droit de vivre, engagée à gauche, appelait les Juifs à l'autodéfense c'est-à-dire à l'action illégale. «Un jour, écrivait-il, je me réveillai juif, et c'était parce que le bruit du browning de Schwartzbard avait retenti dans ma conscience» Il faut rappeler que beaucoup des responsables de la Résistance juive en France auront milité à la LICA.

 

Et, vingt-cinq ans plus tard, neuf ans après la libération d'Auschwitz, voici un homme qui porte le même nom. Il a été un tout jeune Résistant dont le yiddish était aussi la langue maternelle, André Schwarz-Bart. Il obtint le prix Goncourt pour un livre admirable, Le Dernier des Justes, hymne à la non-violence que les Juifs ont opposée d'âge en âge à leurs persécuteurs. Entre les cent mille juifs ukrainiens et polonais que venge Scholem Schwarzbard et les six millions qui hantent l'écriture d'André Schwarz-Bart, se sont écoulées moins de vingt années de ce terrible siècle.

 

La conscience des juifs, et singulièrement celle qui depuis1933, reste partagée entre deux fiertés : celle de rendre les coups, de se défendre par la force, et celle de lutter par les armes de paix que sont la politique, le droit, la prière, l'étude, l'écriture, la peinture et la musique.

 

Peut-être, comme l'a suggéré un jour Elie Wiesel, aurait-il fallu se taire. Et, devant vous, mes chers amis, avec qui je partage cette incompréhensible rupture dans la chaîne des générations, il m'a fallu tenir un discours cohérent, enchaîner des phrases ; j’en ai un peu honte alors que j'aurais plutôt voulu m'en tenir au poème du plus grand poète juif d'après la Shoah, Paul Celan. Je le cite :

 

 « S'il venait,

venait un homme,

venait un homme, au monde,

aujourd'hui, avec

la barbe de clarté

des patriarches: il devrait,

s'il parlait de ce

temps, il

devrait

bégayer seulement, bégayer,

toutoutoujours

bégayer ».

 

 

 

(1) E. de Fontenay évoque ici son livre d'entretiens Actes de naissance. paru il a quelques mois. Entretien avec Stéphane Bou. 

Elle est l'auteur de plusieurs livres devenus des classiques dont le très célèbre Le silence des bêtes, en 1998.

 

 


 

 

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12 septembre 2011 1 12 /09 /septembre /2011 06:25

 

 

spiegelman-Maus.jpg

 

Seul auteur récompensé du prix Pulitzer

pour une bande dessinée, en 1992,

Art SPIEGELMAN a été sacré

Grand Prix de la ville d'Angoulême cette année.

 

 

artspiegelman

 

 

 


 

Son oeuvre maîtresse, Maus, fait le récit de l'expérience concentrationnaireph020352 de son père, avec comme base l'idée de représenter les Juifs sous la forme de souris, les Allemands sous la forme de chats, les nazis sous la forme de chiens et les Polonais sous la forme de porcs. Salué par un prix Pulitzer en 1992, Maus est surtout considéré comme l'une des deux oeuvres, avec Shoah de Claude Lanzmann, à avoir réussi à surmonter le caractère non représentable de la solution finale.

 

12-art-spiegelman_ddf29c4740.jpg

 

 

Maus-couv-jpg

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


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5 août 2011 5 05 /08 /août /2011 07:00

 

 


 

  

Arrestation d’Anne Frank et sa famille.

 


 

 

anne-frank

 


4 août 1944. La Gestapo arrête Anne Frank et sa famille. 

 

Annelies Marie Frank, plus connue sous le nom d'Anne Frank, est née le 12 juin 1929 à Francfort-sur-le-Main, en Allemagne, sous la République de Weimar. Elle passe la majeure partie de sa vie aux Pays-Bas et meurt en mars 1945 (environ 2 mois avant la capitulation Allemande) en Allemagne nazie.

Adolescente juive allemande, elle écrit un journal intime, rapporté dans le livre « Journal d'Anne Frank », alors qu'elle se cachait avec sa famille et quatre amis à Amsterdam pendant l'occupation allemande durant la Seconde Guerre mondiale dans le but d'éviter la Shoah.

La famille Frank quitte Francfort pour Amsterdam à la fin de l’année 1933 afin d'échapper aux persécutions nazies à l'encontre des Juifs, qui se multiplient depuis l’arrivée au pouvoir d'Adolf Hitler en janvier. Alors que les dangers s'intensifient à Amsterdam occupé par les Allemands depuis mai 1940, les Frank se cachent en juillet 1942 dans un appartement secret aménagé dans l'Annexe de l'entreprise Opekta d'Otto Frank, le père. Anne a alors treize ans environ. Après deux ans passés dans ce refuge, le groupe est trahi et déporté vers les camps d'extermination nazis. Sept mois après son arrestation, Anne meurt du typhus dans le camp de Bergen-Belsen quelques jours après le décès de sa sœur Margot.  



 

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17 juillet 2011 7 17 /07 /juillet /2011 06:56

 

 

Je suis juive  

 

 

Née et élevée au sein d’une famille française de longue date, j’étais française sans avoir à me poser de question. Mais être juive, qu’est-ce que cela signifie pour moi comme pour mes parents, dès lors qu’agnostique – comme l’étaient déjà mes grands parents – la religion était totalement absente de notre foyer familial ?

 

De mon père, j’ai surtout retenu que son appartenance à la judéité était liée au savoir et à la culture que les juifs ont acquis au fil des siècles en des temps où fort peu y avaient accès. Ils étaient demeurés le peuple du Livre, quelles que soient les persécutions, la misère et l’errance.

 

Pour ma mère, il s’agissait d’avantage d’un attachement aux valeurs pour lesquelles, au long de leur longue et tragique histoire, les juifs n’avaient cessé de lutter : la tolérance, le respect des droits de chacun et de toutes les identités, la solidarité.

 

Tous deux sont morts en déportation, me laissant pour seul héritage ces valeurs humanistes que pour eux le judaïsme incarnait.

De cet héritage, il ne m’est pas possible de dissocier le souvenir sans cesse présent, obsédant même, des six millions de juifs exterminés pour la seule raison qu’ils étaient juifs. Six millions dont furent mes parents, mon frère et nombre de mes proches. Je ne peux me séparer d’eux.

 

Cela suffit pour que jusqu’à ma mort, ma judéité soit imprescriptible.

Le kaddish sera dit sur ma tombe.

 

 

Je suis juive.  Simone VEIL

 

SimoneVeil.jpg

 

 

 


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16 juillet 2011 6 16 /07 /juillet /2011 06:58

#510

 

Vent printanier    

 

Instructions de M. Hennequin, directeur de la police municipale de Paris, aux agents de police lors de la Rafle du Vél' d'Hiv' à Paris, 16-17 juillet 1942 :


 

1. Les gardiens et inspecteurs, après avoir vérifié l'identité des Juifs qu'ils ont mission d'arrêter, n'ont pas à discuter les différentes observations qui peuvent être formulées par eux [...]

2. Ils n'ont pas à discuter non plus sur l'état de santé. Tout Juif à arrêter doit être conduit au Centre primaire.

3. Les agents chargés de l'arrestation s'assurent lorsque tous les occupants du logement sont à emmener, que les compteurs à gaz, de l'électricité et de l'eau sont bien fermés. Les animaux sont confiés au concierge. [...]

7. [...] Les opérations doivent être effectuées avec le maximun de rapidité, sans paroles inutiles et sans aucun commentaire.

8. Les gardiens et inspecteurs chargés de l'arrestation rempliront les mentions figurant au dos de chacune des fiches :

Indication de l'arrondissement ou de la circonscription du lieu d'arrestation ;

« Arrêté par », en indiquant les noms et services de chacun des gardiens et inspecteurs ayant opéré l'arrestation ;

Le nom de la personne à qui les clés auront été remises ;

Au cas de non-arrestation seulement de l'individu mentionné sur la fiche, les raisons pour lesquelles elle n'a pu être faite et tous renseignements succints utiles ;

 

Et selon le tableau ci-après :

SERVICE :

Agents capteurs :

Nom..............................................

Nom..............................................

Service..............................................

Service..............................................

Clés remises à M. ..............................................

No ..............................................

rue ..............................................

Renseignements en cas de non-arrestation

Paris, le 12 juillet 1942

Le Directeur de la Police Municipale

Signé HENNEQUIN 

 

 


 

      Bref rappel sur la Rafle

 

Ces 16 et 17 juillet 1942, 1 129 hommes, 2 916 femmes et 4 115 enfants ont été arrêtés par la police française et enfermés au Vélodrome d’Hiver.

Simultanément, 1 989 hommes et 3 003 femmes, couples sans enfants et célibataires, avaient été arrêtés et enfermés dans le camp de Drancy.

 

La quasi-totalité des 13 152 raflés furent déportés après séparation brutale dans les camps de Beaune-la-Rolande et Pithiviers des enfants en bas âge, environ 3 000, de leurs parents qui furent déportés les premiers.

 

Quant aux enfants, transférés à Drancy, ils en furent déportés entre le 17 et le 31 août 1942, mélangés à des adultes juifs en provenance de la zone libre où ils avaient également été arrêtés par les forces de police vichystes.


La seule photo existante :

42.jpg

 

1942 - 1995 ... Le grand silence. Enfin une voix se lève :

    

Extrait du discours de Jacques CHIRAC, Président de la République, prononcé le 16 juillet 1995 devant le monument commémoratif de la Rafle,

Square de la place des Martyrs Juifs du Vélodrome d’Hiver.

 

 

« Ces heures noires souillent à jamais notre histoire, et sont une injure à notre passé et à nos traditions. Oui, la folie criminelle de l'occupant a été secondée par des Français, par l'État français.

Il y a cinquante-trois ans, le 16 juillet 1942, 4 500 policiers et gendarmes français, sous l'autorité de leurs chefs, répondaient aux exigences des nazis.

Ce jour-là, dans la capitale et en région parisienne, près de dix mille hommes, femmes et enfants juifs furent arrêtés à leur domicile, au petit matin, et rassemblés dans les commissariats de police.
(…)


La France, patrie des Lumières et des Droits de l'Homme, terre d'accueil et d'asile, la France, ce jour-là, accomplissait l'irréparable. Manquant à sa parole, elle livrait ses protégés à leurs bourreaux. »

 

 

Place-des-Martyrs-Juifs-du-Velodrome-d-Hiver-Paris-15.jpg


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15 juillet 2011 5 15 /07 /juillet /2011 07:05

#509

 

Vent printanier

 

A Paris le 15 juillet 1942 a lieu une réunion technique pour la mise au point de la rafle de Paris, nom de code : "Vent printanier" (!). Y participent Dannecker, Darquier de Pellepoix, commissaire aux questions juives, Leguay, adjoint du chef de la police en zone occupée, François, directeur des camps de transit, Hennequin, directeur de la Police municipale de Paris, Tulard, directeur du fichier Juif de la préfecture de Paris, Garier, représentant le préfet du Département de la Seine, Schweblin, directeur de la Police anti-juive, Gallien, chef de cabinet de Darquier de Pellepoix, Guidot, officier d’Etat Major de la police municipale.

On avait choisi le Vélodrome d'Hiver pour rassembler les Juifs arrêtés avant de les déporter à l'Est. 9 000 hommes participeraient à l'opération, tous français. La gendarmerie française servirait d'escorte. Les policiers allemands n'interviendraient pas ouvertement dans la rafle qui, en principe, ne visait que des Juifs étrangers, ou apatrides, émigrés en France dans les années précédentes.

Au cours de cette veillée d'armes, au soir du 15 juillet 1942, on distribuait les ultimes consignes, on réquisitionnait les derniers autobus. Il s'agissait de transporter et d'enfermer près de 28 000 personnes, hommes, femmes et enfants. Une telle opération ne s'improvise pas. Des préparatifs d'une telle ampleur devaient nécessairement entraîner des fuites. Tous les fonctionnaires occupés à ventiler le fichier, tous les policiers mobilisés n'étaient pas nécessairement collaborateurs et antisémites. Ils avaient parfois des amis juifs qu'il leur était facile de prévenir, même d'une façon anonyme.

Aussi des rumeurs, des tracts circulaient-ils sous le manteau dans les quartiers populeux où les Juifs pauvres, depuis des siècles, ont l'habitude de s'amalgamer en arrivant à Paris. Une feuille clandestine, éditée en français et en yiddish, leur conseillait de se cacher, car une terrible épreuve les attendait. Une voix inconnue prévenait certains Israélites qui possédaient encore le téléphone (la loi le leur interdisait désormais) que la « nuit allait être chaude ».

La plupart de ceux qui avaient la chance de recevoir un tel avertissement comprenaient le danger qu'ils couraient, mais ils ne savaient guère comment y parer. Ils ne pouvaient fuir Paris sans faux papiers, car les leurs portaient le mot JUIF et la police surveillait toutes les gares. Ils ne possédaient presque plus d'argent. Passer en zone libre exigeait d'eux une filière qui n'était pas toujours sûre. Et puis il y avait les enfants qui paralysaient tout espoir de fuite.

 

Aussi certains, accablés ou fatalistes, ne voulurent pas croire au péril qui les menaçait et attendirent leur sort avec résignation. D'ailleurs ils conservaient la certitude que la France ne les abandonnerait pas.

D'autres, justement, avaient servi dans l'armée française et étaient médaillés de guerre. Ils entretenaient l'illusion d'être protégés par leurs médailles, comme on le leur avait laissé croire, et comme c'était le cas en zone libre. Ils ne tentèrent rien pour se mettre à l'abri alors qu'ils le pouvaient encore.

Pourtant quelques-uns plus lucides, plus prudents, se réfugièrent chez des amis ou des voisins, dans des cachettes que leur prévoyance avait préparées et purent ainsi échapper à ce que les Juifs ont appelé le jeudi noir. Beaucoup laissèrent leurs femmes et leurs enfants dans leur logement, car ils croyaient naïvement qu'on n'arrêterait que les hommes. Et déjà le soleil se couchait sur Paris.

 

Sur les douze mille victimes du Jeudi Noir, seule une vingtaine de rescapés reverra Paris libéré. Une vingtaine ! Et pas un seul des 4 051 enfants.

 


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2 mai 2011 1 02 /05 /mai /2011 06:26

 

Yom HaShoah 

Du dimanche 1er mai 2011, 20h30

au lundi 2 mai 2011, 18h45.

 
 

        

 

            À l’occasion de Yom HaShoah, date retenue par l’État d’Israël pour la commémoration en mémoire des victimes de la Shoah et des héros de la Résistance juive pendant la Seconde Guerre mondiale, le Mémorial de la Shoah organise, pour la sixième année consécutive, en partenariat avec le Mouvement juif libéral de France (MJLF) et l’Association des fils et filles de déportés juifs de France (FFDJF), qui sont à l’initiative de cette cérémonie, et le Consistoire de Paris, la lecture des noms des déportés juifs de France devant le Mur des Noms.

 

           Au cours de cette lecture publique ininterrompue de 24 heures, de jour comme de nuit, sont prononcés, un à un, les noms, prénoms et âges de chaque homme, femme et enfant déporté. Des 76 000 noms inscrits sur le Mur, sont lus les noms des personnes déportées par les convois n°67 à n°16.

 

        Quelques 200 personnes, anciens déportés, parents, enfants… lisent à tour de rôle, à partir des listes issues du Livre mémorial de la Déportation de Serge Klarsfeld, (éd. Association des FFDJF), les noms de « ceux dont il ne reste que le nom », Simone Veil.

 

 

 

Memorial.jpg

Le mur des noms au Mémorial de la Shoah, à Paris.

 

79 convois ont quitté Drancy entre le 27 mars 1942 et le 17 août 1944. 

Tous les convois de déportation de Drancy partis entre le 27 mars 1942 et le 23 juin 1943, soit 42 convois, sont partis de la gare du Bourget-Drancy.

Tous les convois de déportation de Drancy partis entre le 18 juillet 1943 et le 17 août 1944 sont partis de la gare de Bobigny. (A noter que l'ancienne gare désaffectée de Bobigny, classée en 2005, est devenue officiellement lieu de mémoire en janvier 2011)     

 

 

 

Fugue de mort                   

 

Lait noir de l’aube nous le buvons le soir

le buvons à midi et le matin nous le buvons la nuit

nous buvons et buvons

nous creusons dans le ciel une tombe où l’on n’est pas serré

Un homme habite la maison il joue avec les serpents il écrit

il écrit quand il va faire noir en Allemagne Margarete tes cheveux d’or

écrit ces mots s’avance sur le seuil et les étoiles tressaillent il siffle ses grands chiens

il siffle il fait sortir ses juifs et creuser dans la terre une tombe

il nous commande allons jouez pour qu’on danse

 

Lait noir de l’aube nous te buvons la nuit

te buvons le matin puis à midi nous te buvons le soir

nous buvons et buvons

Un homme habite la maison il joue avec les serpents il écrit

il écrit quand il va faire noir en Allemagne Margarete tes cheveux d’or

Tes cheveux cendre Sulamith nous creusons dans le ciel une tombe où l’on n’est pas serré

Il crie enfoncez plus vos bêches dans la terre vous autres et vous chantez jouez

il attrape le fer à sa ceinture il le brandit ses yeux sont bleus

enfoncez plus les bêches vous autres et vous jouez encore pour qu’on danse

 

Lait noir de l’aube nous te buvons la nuit

te buvons à midi et le matin nous te buvons le soir

nous buvons et buvons

un homme habite la maison Margarete tes cheveux d’or

tes cheveux cendre Sulamith il joue avec les serpents

 

 

Il crie jouez plus douce la mort la mort est un maître d’Allemagne

il crie plus sombre les archets et votre fumée montera vers le ciel

vous aurez une tombe alors dans les nuages où l’on n’est pas serré

 

Lait noir de l’aube nous te buvons la nuit

te buvons à midi la mort est un maître d’Allemagne

nous te buvons le soir et le matin nous buvons et buvons

la mort est un maître d’Allemagne son œil est bleu

il vise tire sur toi une balle de plomb il ne te manque pas

un homme habite la maison Margarete tes cheveux d’or

il lance ses grands chiens sur nous il nous offre une tombe dans le ciel

il joue avec les serpents et rêve la mort est un maître d’Allemagne

 

tes cheveux d’or Margarete

tes cheveux cendre Sulamith

 

 

Paul Celan, traduction Jean-Pierre Lefebvre

© Editions GALLIMARD, 1998, pour la traduction française

 

Kiefer.margarethe.jpg

Illustration : Tableau de Anselm Kiefer intitulé Margarete.

Huile, acrylique, émulsion et paille sur toile, 280 x 380 cm, Collection particulière.

 

 

Todesfuge 

                  

Schwarze Milch der Frühe wir trinken sie abends

wir trinken sie mittags und morgens wir trinken sie nachts

wir trinken und trinken

wir schaufeln ein Grab in den Lüften da liegt man nicht eng

Ein Mann wohnt im Haus der spielt mit den Schlangen der schreibt

der schreibt wenn es dunkelt nach Deutschland

     dein goldenes Haar Margarete

er schreibt es und tritt vor das Haus und es blitzen die Sterne

     er pfeift seine Rüden herbei

er pfeift seine Juden hervor läßt schaufeln ein Grab in der Erde

er befiehlt uns spielt auf nun zum Tanz

 

Schwarze Milch der Frühe wir trinken dich nachts

wir trinken dich morgens und mittags wir trinken dich abends

wir trinken und trinken

Ein Mann wohnt im Haus der spielt mit den Schlangen der schreibt

der schreibt wenn es dunkelt nach Deutschland

     dein goldenes Haar Margarete

Dein aschenes Haar Sulamith wir schaufeln ein Grab in den Lüften

     da liegt man nicht eng

 

Er ruft stecht tiefer ins Erdreich ihr einen ihr andern singet und spielt

er greift nach dem Eisen im Gurt er schwingts seine Augen sind blau

stecht tiefer die Spaten ihr einen ihr anderen spielt weiter zum Tanz auf

 

Schwarze Milch der Frühe wir trinken dich nachts

wir trinken dich mittags und morgens wir trinken dich abends

wir trinken und trinken

ein Mann wohnt im Haus dein goldenes Haar Margarete

dein aschenes Haar Sulamith er spielt mit den Schlangen

 

Er ruft spielt süßer den Tod der Tod ist ein Meister aus Deutschland

er ruft streicht dunkler die Geigen dann steigt ihr als Rauch

     in die Luft

dann habt ihr ein Grab in den Wolken da liegt man nicht eng

 

Schwarze Milch der Frühe wir trinken dich nachts

wir trinken dich mittags der Tod ist ein Meister aus Deutschland

wir trinken dich abends und morgens wir trinken und trinken

der Tod ist ein Meister aus Deutschland sein Auge ist blau

er trifft dich mit bleierner Kugel er trifft dich genau

ein Mann wohnt im Haus dein goldenes Haar Margarete

er hetzt seine Rüden auf uns er schenkt uns ein Grab in der Luft

er spielt mit den Schlangen und träumet der Tod ist ein Meister

     aus Deutschland 

 

dein goldenes Haar Margarete

dein aschenes Haar Sulamith


Paul Celan, Mohn und Gedächtnis © 1952 Deutsche Verlags-Anstalt München

 

Kiefer-1.jpg

Illustration : tableau de Anselm Kiefer (détail) 

 



 

Notre article de l'an dernier : Yom Hashoah du 11 avril 2010.

JMT-au-Mur-des-noms-au-memorial-de-la-Shoah-a-Paris.jpg  MemorialShoah.jpg

Illustration : une personne se recueille devant le mur des noms au Mémorial de la Shoah, à Paris, le 11 avril 2010, jour de Yom HaShoah. Pendant 24 heures, sans discontinuer, les noms, prénoms et âges des déportés sont lus sur le parvis. Cette année ont été lus les convois du numéro 25 au 66ème. 

 

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26 avril 2011 2 26 /04 /avril /2011 07:16

 

zoni-petit-manouche-a-vu-sa-famille-po-1083411.jpg

 

 

Zoni Weisz montre sa carte d'identité de 1944; un document estampillé «Z» pour «Zigeuner» (Gitan). Il a tout juste sept ans.

 

 

 

 

 

 

 

 

Parmi celles et ceux qui ne sont pas revenus des camps nazis, on oublie souvent les centaines de milliers d'hommes, femmes et enfants des peuples Rom et Sinti (1). ...

 

Aux Pays-Bas, Zoni Weisz avait sept ans, ce jour de mai 1944, quand il a vu son père, sa mère, son frère et ses deux soeurs partir dans un train à destination d'Auschwitz.

 

 

« Nous étions une famille heureuse », résume Zoni Weisz, fils aîné d'une famille Sinti vivant aux Pays-Bas, avant de replonger dans les souvenirs les plus douloureux de sa vie. Petit garçon, Zoni a connu le temps des roulottes, puis la famille s'installe dans une maison à Zutphen, où son père répare des instruments de musique. « Au début de la guerre, les nazis nous laissaient relativement tranquilles », se souvient-il. Puis vint « le jour le plus noir dans l'histoire des Sintis et Roms : le 16 mai 1944 ».

 

Une rafle est organisée, ce sont des policiers néerlandais qui arrêtent Sintis et Roms pour les regrouper à Westerbork (2). Hannes et sa femme Koos sont emmenés avec leurs filles Rakli et Lena, 4 et 6 ans, et leur petit dernier, Émile, 8 mois. « Ce jour-là, j'étais chez ma tante, Moezla, qui habitait encore dans une roulotte », poursuit Zoni. « Quand on a appris ce qui était arrivé à la maison, on a rassemblé quelques vêtements puis on s'est enfuis avec un groupe de neuf personnes on s'est cachés dans une grange ».

 

« Cours pour ta vie »

 

Mais trois jours plus tard, le groupe est arrêté à son tour. « Le train était déjà parti de Westerbork, alors ils nous ont emmenés à la gare d'Assen pour rejoindre le convoi ». Pour Zoni, le véritable drame va se jouer sur le quai de cette gare. « On a attendu longtemps. Un policier était gentil avec nous, nous donnait à manger. Puis cet homme nous a dit : "Quand j'enlève mon képi, tu cours pour ta vie !" » Le train arrive. Une locomotive, des wagons à bestiaux. « J'ai vu tout de suite où était ma famille : j'ai aperçu ma mère, on lui avait déjà coupé ses longs cheveux noirs... »

 

Le policier enlève son képi au moment où un train de voyageurs démarre à l'autre côté du quai. Zoni et Moezla courent, montent dans le train en marche. « J'ai entendu mon père crier : "Moezla, occupe-toi bien de mon fils !" puis leur train s'est également mis en mouvement ».

 

Hannes, Koos, Rakli, Lena, Emile, ne reviendront pas.

 

Les semaines qui ont suivi ce déchirement, Zoni ne s'en souvient guère. « Je suis tombé dans un trou noir, résume-t-il. Jusqu'à la Libération, on se cachait dans une laiterie, entre les tanks et des tuyaux ».

 

Après la guerre, Zoni est d'abord accueilli par ses grands-parents. « Mais... j'étais intenable. » Une autre tante, Lena, propose alors de s'en occuper. « C'est elle qui a su me remettre sur les rails. » Le 27 janvier 2011, Zoni Weisz a raconté son histoire devant le parlement allemand. Il a rappelé que les lois raciales appliquées dès 1935 visaient autant les « Zigeuner » (Gitans) que les Juifs que ces peuples, qualifiés de « fremdrassig(de race étrangère) » par les nazis, subissaient le même sort, en étapes : identification, enregistrement, isolation, exploitation, déportation, extermination.

 

Puis Zoni a évoqué la situation des Roms et Sintis en Europe aujourd'hui. Il a pointé du doigt l'Italie et la France « où ils sont de nouveau victimes de discrimination, d'où ils sont renvoyés dans leur pays d'origine ». En Hongrie on voit réapparaître, sur les cafés et les restaurants, des panneaux « interdit aux gitans ». 

 

(1) Peuples originaires d'Inde, présents en Europe depuis le Moyen Âge. En France, pour les Sintis le terme « Manouches » est souvent utilisé.

 

(2) Aux Pays-Bas, lieu d'un camp de transition vers Auschwitz.

 

 

Article paru dans La Voix du Nord du 25.04.2011 © R. D.

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23 avril 2011 6 23 /04 /avril /2011 06:50

 

      France Culture, par la voix de Laure Adler, s’est associée toute la semaine écoulée à la journée de la Déportation. Celle-ci, dans son émission Hors-Champs a donné la parole à d’anciens déportés. « Parce qu'il reste de moins en moins de témoins, parce que le temps passe et que ce passé ne passe toujours pas, parce que la transmission de la mémoire est indispensable »

 

      Voici les liens pour écouter les émissions :

 

Marie-Jo-Chambart-de-Lauwe.jpg

 

Marie-Jo Chombart de Lauwe

http://www.franceculture.com/emission-hors-champs-marie-jo-chombart-de-lauwe-2011-04-18.html

 




 SamBrauncfmayran.jpg

Sam BRAUN . Toile de Francine MAYRAN. @F.MAYRAN

http://www.franceculture.com/emission-hors-champs-sam-braun-2011-04-19.html

 



 

Henri BORLANT vient de publier au Seuil Merci d’avoir survécu. - mars 2011.

 

« Parfois, j’ai comme un vertige. Lors d’un voyage à Auschwitz avec des adolescents en 1995, Serge Klarsfeld m’a présenté : Henri Borlant est le seul survivant des six mille enfants juifs de France de moins de seize ans déportés à Auschwitz en 1942.

C’est très impressionnant de se dire que sur six mille enfants, on est le seul à pouvoir parler, je n’ai donc pas le droit de me taire. » H.Borlant

http://www.franceculture.com/emission-hors-champs-henri-borlant-2011-04-20.html

 



 

Charles PALANT

http://www.franceculture.com/emission-hors-champs-charles-palant-2011-04-21.html

 



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27 mars 2011 7 27 /03 /mars /2011 06:28

 

« Ceux qui ne connaissent pas l'Histoire, s'expose à ce qu'elle recommence... » Elie Wiesel.


 

Comme évoqué dimanche dernier, France 5 programme en intégralité l'oeuvre universelle et plusieurs fois primée de Claude Lanzmann. Présentés par Carole Gaessler, les quatre volets sont diffusés quatre soirs de suite.

 

Shoah est une oeuvre monumentale : onze ans de travail, dix campagnes de tournage. Entre 1976 et 1981, trois cent cinquante heures de film ont été tournées.

 

L'écrivain et cinéaste Claude Lanzmann a méthodiquement suivi les traces de l'infamie, relevé les pièces à conviction, identifié les lieux et écouté victimes, criminels et témoins actifs ou pas.

 

Ici, aucune image d'archives, les hommes et les paysages constituent sa seule et unique matière. Des lieux qui paraissent désincarnés, apaisés, mais qui en quelques mots revêtent toute leur horreur.

 

Ce film n'a pas pour but de comprendre ni d’expliquer de façon rationnelle la destruction méthodique des Juifs d'Europe. « Il y a des moments où comprendre, c'est la folie même », déclare Lanzmann, qui préfère dire et faire dire les faits : les moyens de transport des déportés, la topographie des camps, la disposition des corps, l’organisation du temps.

 

Il pose les questions qui font mal à ses interlocuteurs, à lui-même et aux spectateurs. 

 

Shoah, oeuvre intemporelle, a déjà fait le tour du monde. Projetée des centaines de fois, suscitant autant de réactions et de débats, elle a été vue par près de 100 millions de personnes. Le film est étudié dans les collèges et les lycées.



 

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