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20 juin 2012 3 20 /06 /juin /2012 04:58

 

 

 

Nous poursuivons la publication d'extraits arbitrairement choisis

dans le Journal de Jules RENARD.

 

 

Dédicace spéciale à Les mots et les Marées.    

 

 

9 août 1887.

 

Au bord de la mer

 

La mer monte, prend les rochers un à un, ensevelit celui-ci, lèche celui-là, écume sur cet autre et montre à travers son vert de bouteille, comme autant de monstres fantastiques pétrifiés, aux chevelures de varech.

 

Les crabes, galets marchant.

 

Sur le sable blanc surgit un phare comme un parfait au café sur une nappe.

 

Les rochers sont habités par les baigneuses qui trouvent le moyen de sortir, en costume de bain, de leur peignoir, sans que le curieux y voie goutte de chair.

 

Les trois-mâts : chênes mobiles, végétation de la mer.

 

Flocons d'écume. Il semble que le flot éclate comme un pétard sourd et lointain dont on ne verrait que la fumée.

 

L'odeur d'un coquillage putréfié suffit pour accuser toute la mer.

 

Des Chimères mordant leur queue en fleur de lys. 

 

 

 

      Jules RENARD

Journal, 1887

 

 

 

Edouard-ADAM.jpg

Les trois-mâts : chênes mobiles, végétation de la mer.

 

Edouard ADAM

Amiral Cécilie,

(1er quart du 20e) Musée d'Histoire de Saint-Malo

 


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19 juin 2012 2 19 /06 /juin /2012 05:41

 

 

 

L’histoire de France retient un autre 18 juin. Le 18 juin 1815, date de la bataille de Waterloo. On connaît les poèmes de Victor Hugo, ou son récit dans Les Misérables. On connaît la relation qu'en donne Stendhal dans La chartreuse de Parme (1ère partie, ch.3).

Voici la narration qu’en fait Chateaubriand dans Les Mémoires d’Outre-tombe.

 

 

 

« Le 18 juin 1815, vers midi, je sortis de Gand par la porte de Bruxelles ; j'allai seul achever ma promenade sur la grande route. J'avais emporté les Commentaires de César et je cheminais lentement, plongé dans ma lecture. J'étais déjà à plus d'une lieue de la ville, lorsque je crus ouïr un roulement sourd : je m'arrêtai, regardai le ciel assez chargé de nuées, délibérant en moi-même si je continuerais d'aller en avant, ou si je me rapprocherais de Gand dans la crainte d'un orage. Je prêtai l'oreille ; je n'entendis plus que le cri d'une poule d'eau dans des joncs et le son d'une horloge de village. Je poursuivis ma route : je n'avais pas fait trente pas que le roulement recommença, tantôt bref, tantôt long et à intervalles inégaux ; quelquefois il n'était sensible que par une trépidation de l'air, laquelle se communiquait à la terre sur ces plaines immenses, tant il était éloigné. Ces détonations moins vastes, moins onduleuses, moins liées ensemble que celles de la foudre, firent naître dans mon esprit l'idée d'un combat. Je me trouvais devant un peuplier planté à l'angle d'un champ de houblon. Je traversai le chemin et je m'appuyai debout contre le tronc de l'arbre, le visage tourné du côté de Bruxelles. Un vent du sud s'étant levé m'apporta plus distinctement le bruit de l'artillerie. Cette grande bataille, encore sans nom, dont j'écoutais les échos au pied d'un peuplier, et dont une horloge de village venait de sonner les funérailles inconnues, était la bataille de Waterloo !

 

Waterloo.jpg

Auditeur silencieux et solitaire du formidable arrêt des destinées, j'aurais été moins ému si je m'étais trouvé dans la mêlée : le péril, le feu, la cohue de la mort ne m'eussent pas laissé le temps de méditer ; mais seul sous un arbre, dans la campagne de Gand, comme le berger des troupeaux qui paissaient autour de moi, le poids des réflexions m'accablait : Quel était ce combat ? Etait-il définitif ? Napoléon était-il là en personne ? Le monde comme la robe du Christ, était-il jeté au sort ? Succès ou revers de l'une ou de l'autre armée, quelle serait la conséquence de l'événement pour les peuples, liberté ou esclavage ? Mais quel sang coulait ! chaque bruit parvenu à mon oreille n'était-il pas le dernier soupir d'un Français ? Etait-ce un nouveau Crécy, un nouveau Poitiers, un nouvel Azincourt, dont allaient jouir les plus implacables ennemis de la France ? S'ils triomphaient, notre gloire n'était-elle pas perdue ? Si Napoléon l'emportait que devenait notre liberté ? Bien qu'un succès de Napoléon m'ouvrit un exil éternel, la patrie l'emportait dans ce moment dans mon coeur ; mes voeux étaient pour l'oppresseur de la France, s'il devait, en sauvant notre honneur, nous arracher à la domination étrangère.

Wellington triomphait-il ? La légitimité rentrerait donc dans Paris derrière ces uniformes rouges qui venaient de reteindre leur pourpre au sang des Français ! La royauté aurait donc pour carrosses de son sacre les chariots d'ambulance remplis de nos grenadiers mutilés ! Que sera-ce qu'une restauration accomplie sous de tels auspices ?... Ce n'est là qu'une bien petite partie des idées qui me tourmentaient. Chaque coup de canon me donnait une secousse et doublait le battement de mon coeur. A quelques lieues d'une catastrophe immense, je ne la voyais pas ; je ne pouvais toucher le vaste monument funèbre croissant de minute en minute à Waterloo comme du rivage de Boulaq, au bord du Nil, j'étendais vainement mes mains vers les Pyramides. »

 

Mémoires d'Outre-tombe, IIIe partie, Ière époque, livre VI, ch. 16

 

François-René, vicomte de Chateaubriand, naît à Saint-Malo le 4 septembre 1768 et meurt à Paris le 4 juillet 1848.

 


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18 juin 2012 1 18 /06 /juin /2012 05:26

 

 

      18 juin 1940

 

 

Appel-du-general-de-Gaulle-a-la-resistance-de-tous-les-Fran.jpg

 

 

L'appel à la Résistance

lancé par le général de Gaulle

depuis Londres

 


Le 18 juin 1940, le général de Gaulle prononce depuis Londres, sur les ondes de la BBC, un appel à la résistance invitant les Français à refuser la capitulation, à résister et à combattre.

 

panneauDeLaLegion.jpg

 

 

"Les chefs qui, depuis de nombreuses années, sont à la tête des armées françaises, ont formé un gouvernement.

 

Ce gouvernement, alléguant la défaite de nos armées, s'est mis en rapport avec l'ennemi pour cesser le combat.

 

Certes, nous avons été, nous sommes, submergés par la force mécanique, terrestre et aérienne, de l'ennemi.

 

Infiniment plus que leur nombre, ce sont les chars, les avions, la tactique des Allemands qui nous font reculer. Ce sont les chars, les avions, la tactique des Allemands qui ont surpris nos chefs au point de les amener là où ils en sont aujourd'hui.

 

Mais le dernier mot est-il dit ? L'espérance doit-elle disparaître ? La défaite est-elle définitive ? Non !

 

Croyez-moi, moi qui vous parle en connaissance de cause et vous dis que rien n'est perdu pour la France. Les mêmes moyens qui nous ont vaincus peuvent faire venir un jour la victoire.

 

Car la France n'est pas seule ! Elle n'est pas seule ! Elle n'est pas seule ! Elle a un vaste Empire derrière elle. Elle peut faire bloc avec l'Empire britannique qui tient la mer et continue la lutte. Elle peut, comme l'Angleterre, utiliser sans limites l'immense industrie des Etats-Unis.

 

Cette guerre n'est pas limitée au territoire malheureux de notre pays. Cette guerre n'est pas tranchée par la bataille de France. Cette guerre est une guerre mondiale. Toutes les fautes, tous les retards, toutes les souffrances, n'empêchent pas qu'il y a, dans l'univers, tous les moyens nécessaires pour écraser un jour nos ennemis. Foudroyés aujourd'hui par la force mécanique, nous pourrons vaincre dans l'avenir par une force mécanique supérieure. Le destin du monde est là.

 

Moi, Général de Gaulle, actuellement à Londres, j'invite les officiers et les soldats français qui se trouvent en territoire britannique ou qui viendraient à s'y trouver, avec leurs armes ou sans leurs armes, j'invite les ingénieurs et les ouvriers spécialistes des industries d'armement qui se trouvent en territoire britannique ou qui viendraient à s'y trouver, à se mettre en rapport avec moi.

 

Quoi qu'il arrive, la flamme de la résistance française ne doit pas s'éteindre et ne s'éteindra pas.

 

Demain, comme aujourd'hui, je parlerai à la Radio de Londres."

 

 

Appel-du-18-juin-40.jpg

 

Le Général de Gaulle au micro de la B.B.C. à Londres   

 

 

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17 juin 2012 7 17 /06 /juin /2012 10:10

 

 

Commentaire posté ce matin par Axel.

« Mémoires de guerre » (tome 3) fut infligé à ma fille en classe de terminale en.....  littérature.

Cela avait fait couler à l’époque pas mal d’encre (virtuelle pour l’essentiel)....
« La littérature en phase terminale... » titrèrent certains...

http://www.lettresvolees.sitew.com/La_polemique.H.htm#La_polemique.H

Commentaire n°1 posté par Axel aujourd'hui à 10h13 

 


Cher Axel,

Merci de votre réaction et de l'attention bienveillante que vous portez aux publications de Nuageneuf. Voici une copie du billet consacré à ce sujet il y a juste deux ans, en juin 2010, lorsque "l'affaire" éclata !

 

N’ayant pas trouvé en son temps les mots acides pour exprimer notre réprobation aux profs assez stupides ou incultes pour avoir "sauté comme des cabris sur leurs fauteuils" en criant « c’est pas un écrivain ! c’est pas un écrivain ! c’est pas un écrivain ! », nous citons avec ravissement un article de Jérôme Garcin qui remet les clepsydres à la bonne heure !

 

 

De Gaulle n'était pas seulement un écrivain, c'était aussi un homme de lettres.


Il s'est récemment trouvé un régiment d'enseignants pour dénier au général de Gaulle le titre d'écrivain et pétitionner afin que ses « Mémoires de guerre », assimilés à un ouvrage de « propagande », ne figurent pas au programme du bac. Les mêmes voulurent voir dans cette inscription une preuve d'allégeance au pouvoir actuel alors que ces Mémoires sont, par leur ambition historique, leur lyrisme patriotique, leur morale et leur style grand siècle, comme une insulte prospective au sarkozysme.

Ce fut donc le débat le plus vain et le plus creux du printemps. Un de ces débats qui font rire les étrangers et dont seule la France a le secret. De Gaulle n'était pas seulement un écrivain, convaincu qu'on peut et doit gouverner par le verbe, c'était aussi un homme de lettres.

Il suffit, pour s'en convaincre, de feuilleter les deux premiers volumes de « Lettres, notes et carnets » du général de Gaulle (Bouquins, 32 euros chacun). Pas un brouillon qui ne soit (presque trop) bien écrit. Pas une page sans que, depuis son plus jeune âge, il n'en appelle à Virgile, Vauvenargues, Chateaubriand, Péguy ou Bernanos. Pas un moment où il ne cherche la compagnie, épistolaire ou réelle, de Malraux, Mauriac, Gary ou Kessel. Et l'on attend avec impatience le troisième tome (parution en octobre), qui couvrira les années 1958-1970.

Le préfacier, Jean-Luc Barré, nous promet une correspondance passionnée avec Pierre Jean Jouve (« Votre poésie est songe et profondeur ; il n'est que de s'y livrer »), lequel initie de Gaulle à Hölderlin ; avec Jean Cocteau, qui agonise en écrivant : « Mon général, je vais mourir et je vous aime » ; ou encore avec le jeune Le Clézio, 23 ans, dont le vieux président vient de lire « le Procès-verbal » : « A moi, qui suis au terme, vous écrivez que "le pouvoir et la foi sont des humilités". A vous, qui passez à peine les premiers ormeaux du chemin, je dis que le talent, lui aussi, en est une. » Cela ferait un très bon sujet de bac.

Jérôme Garcin

                      *             *             *

Dans la même lignée :

 

« Nous soussignés, premier échantillon d'un millier de signatures actuellement rassemblées, saluons solennellement le Syndicat National des Enseignements du second degré férocement opposé à l'inscription des Mémoires de guerre du Général de Gaulle au programme du bac littéraire.

Par son geste, cet organisme apporte à notre histoire et à notre culture une contribution si exceptionnelle, et à notre jeunesse un tel exemple d'ouverture, que nous sommes heureux, au nom du peuple français, de lui décerner le Bonnet d'âne national 2010 avec palmes (académiques), y joignant la citation légèrement modifiée d'une des plus admirables litotes de la langue française écrite par de Gaulle dans le Fil de l'Epée  et dans laquelle nous avons simplement substitué au mot « militaires » le mot « professeurs » : il est vrai que parfois, les professeurs, s'exagérant l'impuissance relative de l'intelligence, négligent de s'en servir.

 André Brincourt, Francois Broche, Marie Berneron, Jean-Marie Borzeix, Eric Deschodt, Jean-Paul Caracalla, Jean-Sebastien de Halleux, Pascale de La Loge, Françoise Sauvage, Christian Sevestre, Mathieu Walter, Georges Walter etc etc...»

 




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17 juin 2012 7 17 /06 /juin /2012 05:39

 

      Avant-propos

 

Pendant les quatre années qui séparent son retrait du RPF (décembre 1955) et son retour au pouvoir en 1958, le général passera l'essentiel de son temps à Colombey, où il poursuit l'écriture des Mémoires de guerre.

Le premier tome paraît en octobre 1954 et le second en juin 1956 (sa fille Elisabeth de Boissieu assure la dactylographie). C'est à la fin du livre qu'il évoque Colombey dans des pages célèbres :  

 

"Vastes, frustes et tristes horizons ; bois, prés, cultures et friches mélancoliques ; relief d'anciennes montagnes très usées et résignées ; villages tranquilles et peu fortunés, dont rien, depuis des millénaires, n'a changé l'âme, ni la place. (…) Ainsi, du mien. Situé haut sur le plateau, marqué l'une colline boisée, il passe les siècles au centre des terres que cultivent ses habitants. Ceux-ci, bien que je me garde de m'imposer au milieu d'eux, m'entourent d'une amitié discrète. Leurs familles, je les connais, je les estime et je les aime.

Le silence emplit ma maison. De la pièce d'angle où je passe la plupart des heures du jour, je découvre les lointains dans la direction du couchant. Au long de quinze kilomètres, aucune construction n'apparaît. Par-dessus la plaine et les bois, ma vue suit les longues pentes descendant vers la vallée de l'Aube, puis les hauteurs du versant opposé. D'un point élevé du jardin, j'embrasse les fonds sauvages où la forêt enveloppe le site, comme la mer bat le promontoire. Je vois la nuit couvrir le paysage. Ensuite, regardant les étoiles, je me pénètre de l'insignifiance des choses."

Charles de Gaulle

Mémoires de guerre, tome I.

 

Bien plus tard, un an avant sa mort, il rédige ces lignes ironiques et distanciées : « Après ma mort, on dressera une grande croix de Lorraine sur la plus haute colline, derrière ma maison. Et comme il n’y a personne par là, personne ne la verra. Elle incitera les lapins à la Résistance. »

Charles de Gaulle, 1969

 

 

 

CroixLorraine.JPG

      La croix de Lorraine. ©Photo J.Fusier 

 

 

 

 

 

 


 

Les choses ainsi resituées ouvrent tout naturellement sur cet article que Patrick MANDON a publié dans la presse en 2008. Nous le remercions une nouvelle fois ici pour sa grande courtoisie et la gentillesse avec laquelle il nous autorise à le publier. 

 

 

 

De de Gaulle en général…

…et des lapins de Colombey en particulier

 

 

 

D’abord il y a un événement : le 11 octobre 2008, à Colombey-Les Deux-Eglises (Haute-Marne), Angela Merkel et Nicolas Sarkozy ont inauguré le Mémorial parachevant le projet dédié à Charles de Gaulle, commencé avec l’édification d’une immense Croix de Lorraine (18 juin 1972). Celle-ci n’a d’ailleurs cessé d’attirer les visiteurs, contredisant la prophétie que le Général, avec cette ironie faussement modeste qui faisait partie de son charme, aurait lancé à propos de “sa” croix, dont il ne voulait pas : “Personne ne viendra, sauf les lapins pour y faire de la résistance…”

 

Et puis il y a cette affiche dans le métro, pour une pièce de théâtre inspirée du journal de Jacques Foccart, le conseiller du général de Gaulle pour l’Afrique. Elle présente une étrange silhouette et un visage à peine esquissé. Et pourtant c’est Lui, c’est bien Lui, égaré dans le métro, comme tenant en laisse un pavé ! Nulle majesté dans cette représentation persifleuse. Et pourtant, malgré l’évidente volonté de désacraliser, quelque chose est pertinent dans ce personnage perplexe au milieu des pavés…

 

Enfin il y a un souvenir, celui de la une d’un fameux hebdomadaire satirique, Hara Kiri : “Bal tragique à Colombey, 1 mort”.

 

Mais les plus nobles destins résistent à la nécessité d’en rire. Non, Charles de Gaulle n’est pas décédé après une valse en compagnie d’Yvonne. Le 9 novembre 1970, il s’est effondré["Ah ! Il est déjà temps de mourir !" : les derniers mots du Général, selon le colonel Desgrées du Loû (rapportés par Jean Mauriac dans L’après de Gaulle, chez Fayard).] un peu avant l’heure du dîner, alors qu’il achevait une patience (après tant de réussites…)

 

Rappel pour les plus jeunes d’entre vous : le 27 avril 1969, le peuple répond non au référendum sur “le projet de loi relatif à la création des régions er à la rénovation du Sénat”. Dès le 28, Charles de Gaulle part sans se retourner… L’air, soudain, paraît plus léger à nombre de Français. Et d’abord à une partie de notre grande bourgeoisie : le vieux képi incarnait ses remords et son peu d’empressement à le rejoindre dans l’exil londonien.

Les politiciens soupirent d’aise : enfin éliminé, ce Charlot qui, en fondant la Ve République, leur avait cassé leur joujou agonisant.

 

Tous avaient souffert de la dédaigneuse distance qu’il mettait entre eux et lui, et du mépris de plomb qu’il affichait pour leurs misérables combinaisons. Décidément, il vivait très au-dessus de leurs moyens… Intellectuellement s’entend : il ne s’enrichira pas d’un nouveau franc au métier de la politique. Même que le soir, à l’Elysée, tante Yvonne éteignait les lumières : “Il ne faut pas gaspiller !”

 

Aujourd’hui, le vieil homme “recru d’épreuves” subit le pire : il paraît “dépassé”. Mais depuis quand ? Dans l’Europe du désastre qui se découvrait à mesure que refluait la catastrophe nazie, à quel sort misérable était vouée la France ? Perdue de réputation, suspecte aux yeux des vainqueurs, menacée de guerre civile, convoitée par les staliniens, elle pouvait tout au plus espérer l’humiliante intégration à un ensemble flou, “gauleité” par Giraud, béni par Jean Monnet et chapeauté par les Américains.

Enfin De Gaulle revint, avec son fichu caractère, qui est aussi la marque des hommes d’Etat au milieu des politiciens nains. Car il en fallait, du caractère, pour faire croire simultanément aux Etatsuniens que la France avait les moyens de son indépendance, et aux communistes que, grâce au parapluie américain, le pays était à l’abri d’un coup de force !

 

Et pour décoloniser l’Afrique noire et surtout l’Algérie, sans souci apparent de la douleur des rapatriés ni du sort des harkis, maltraités ici, massacrés là-bas ?

 

Mais “On ne gouverne pas innocemment”, comme disait Saint-Just… A moins que vous ne préfériez Péguy : “Ils ont les mains propres mais ils n’ont pas de mains.”

 

De Gaulle, c’est un drame antique et chrétien à la fois. Un récit qui naît avec le baptême de Clovis, irrigue la chevalerie, transcende la République, s’incarne dans la Résistance – et prend fin avec lui. Il a soulevé la France et étonné le monde par sa vision, son charisme et ses mots. De Gaulle c’est Merlin, plus l’électricité (nucléaire).

 

Au risque de passer pour un illuminé, laissez-moi, en guise de conclusion vous livrer une confidence : un matin que je me trouvais dans une clairière isolée, non loin de la croix de Lorraine, je vis nettement surgir de la brume froide le spectre du Général ! Il croisa ma route sans me voir. Plus curieux qu’effrayé, j’osai l’interpeller : “Mon Général, que vous inspirent la Marseillaise huée, le démantèlement de la République, la crise mondiale, la fonte des glaciers et la prochaine comparution d’Éric Zemmour devant la Cour raciale, euh, martiale pour atteinte au moral multiculturel de la Nation ?”

 

Déjà, je ne le distinguais plus qu’à peine, lorsque sa voix sourde roula jusqu’à moi : “Pour la Résistance, voyez les lapins !”

 

 

Publié le 19 décembre 2008

©Patrick Mandon

 

 


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16 juin 2012 6 16 /06 /juin /2012 05:54

 

Quelques jours avec un poème de Paul Vincensini au quotidien. 

Au petit matin.

 

 


Un ouvrier dort

 

 

S'il dort 
Ce n'est pas pour les pierres 
Qui ont écorché ses mains 

S'il a bu quelques verres 
La poussière 
Autant que lui s'en est gorgée 

Si je croyais aux prières 
Je voudrais 
Prier pour ses mains

 

 

Paul Vincensini

Qu'est-ce qu'il n'y a ?

 

 

 

chillida-Arbre.jpg

   Eduardo CHILLIDA

Arbre.

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15 juin 2012 5 15 /06 /juin /2012 05:42

 

 

Quelques jours avec un poème de Paul Vincensini au quotidien. 

Au petit matin.

 

 

Aucun signe

 

 

J'ai éclaté de rire le long des maisons
Où habitèrent mes amours pâles
Des foulards, des corsets fleurissaient les fenêtres
Mais nulle n'apparaissait et je me sentais las.
Que me sert de courir
J'aurai toujours vingt ans
Et toujours mes chemins me ramèneront
Près des fenêtres noires
Où nulle n'apparaîtra 

 

 

Paul Vincensini

D'herbe noire

 

 

Chillida-leku.jpg

Edouardo CHILLIDA


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14 juin 2012 4 14 /06 /juin /2012 05:42

Déjà publié le 30 décembre 2010.

 

Parce-que-je-le-vaux-bien--.jpg

 

Rappel du contexte : Marie-Ségolène Royal fut :

     - du 27 mars 2000 au 27 mars 2001 : ministre déléguée à la Famille et à l'Enfance du gouvernement Jospin auprès de la ministre de l'Emploi et de la Solidarité, (brièvement Martine Aubry) puis Élisabeth Guigou ;
     - puis du 28 mars 2001 au 5 mai 2002 : ministre déléguée à la Famille, à l'Enfance et aux Personnes handicapées du gouvernement Jospin auprès de la ministre de l'Emploi et de la Solidarité Élisabeth Guigou.
 


 

Fabrice Luchini lit MURAY est le titre d'un spectacle déjà évoqué plus tôt. Le philosophe, disparu en 2006, était un intarissable démolisseur des cultes et religions de notre époque : la charité généralisée, le délire festif, ce qu'il appelait l'Empire du BienNous avions publié le texte de Muray sur Les nouveaux emplois de Martine Aubry, la Job-Pride ! ici

Luchini clôt sa lecture en apothéose par ce texte qui date de 2002,

 

Le sourire de Ségolène

 


Notre époque ne produit pas que des terreurs innommables, prises d’otages à la chaîne, réchauffement de la planète, massacres de masse, enlèvements, épidémies inconnues, attentats géants, femmes battues, opérations suicide. Elle a aussi inventé le sourire de Ségolène Royal. C’est un spectacle de science-fiction que de le voir flotter en triomphe, les soirs électoraux, chaque fois que la gauche, par la grâce des bien-votants, se trouve rétablie dans sa légitimité transcendantale. On en reste longtemps halluciné, comme Alice devant le sourire en lévitation du Chat de Chester quand le Chat lui-même s’est volatilisé et que seul son sourire demeure suspendu entre les branches d’un arbre.

On tourne autour, on cherche derrière, il n’y a plus personne, il n’y a jamais eu personne. Il n’y a que ce sourire qui boit du petit-lait, très au-dessus des affaires du temps, indivisé en lui-même, autosuffisant, autosatisfait, imprononçable comme Dieu, mais vers qui tous se pressent et se presseront de plus en plus comme vers la fin suprême.

 

C’est un sourire qui descend du socialisme à la façon dont l’homme descend du cœlacanthe, mais qui monte aussi dans une spirale de mystère vers un état inconnu de l’avenir où il nous attend pour nous consoler de ne plus ressembler à rien.

C’est un sourire tutélaire et symbiotique. Un sourire en forme de giron. C’est le sourire de toutes les mères et la Mère de tous les sourires.

Quiconque y a été sensible une seule fois ne sera plus jamais pareil à lui-même.

Comment dresser le portrait d’un sourire ? Comment tirer le portrait d’un sourire, surtout quand il vous flanque une peur bleue ? Comment faire le portrait d’un sourire qui vous fait mal partout chaque fois que vous l’entrevoyez, mal aux gencives, mal aux cheveux, aux dents et aux doigts de pieds, en tout cas aux miens ?

Comment parler d’un sourire de bois que je n’aimerais pas rencontrer au coin d’un bois par une nuit sans lune ?

 

Segolene-Vamp.jpg

Comment chanter ce sourire seul, sans les maxillaires qui devraient aller avec, ni les yeux qui plissent, ni les joues ni rien, ce sourire à part et souverain, aussi sourd qu’aveugle mais à haut potentiel présidentiel et qui dispose d’un socle électoral particulièrement solide comme cela n’a pas échappé aux commentateurs qui ne laissent jamais rien échapper de ce qu’ils croient être capables de commenter ?

C’est un sourire qui a déjà écrasé bien des ennemis du genre humain sous son talon de fer (le talon de fer d’un sourire ? la métaphore est éprouvante, j’en conviens, mais la chose ne l’est pas moins) : le bizutage par exemple, et le racket à l’école. Ainsi que l’utilisation marchande et dégradante du corps féminin dans la publicité.

Il a libéré le Poitou-Charentes en l’arrachant aux mains des Barbares. Il a lutté contre la pornographie à la télé ou contre le string au lycée. Et pour la cause des femmes. En reprenant cette question par le petit bout du biberon, ce qui était d’ailleurs la seule manière rationnelle de la reprendre ; et de la conclure par son commencement qui est aussi sa fin.

On lui doit également la défense de l’appellation d’origine du chabichou et du label des vaches parthenaises. Ainsi que la loi sur l’autorité parentale, le livret de paternité et le congé du même nom. Sans oublier la réforme de l’accouchement sous X, la défense des services publics de proximité et des écoles rurales, la mise en place d’un numéro SOS Violences et la promotion de structures-passerelles entre crèche et maternelle.

C’est un sourire près de chez vous, un sourire qui n’hésite pas à descendre dans la rue et à se mêler aux gens. Vous pouvez aussi bien le retrouver, un jour ou l’autre, dans la cour de votre immeuble, en train de traquer de son rayon bleu des encoignures suspectes de vie quotidienne et de balayer des résidus de stéréotypes sexistes, de poncifs machistes ou de clichés anti-féministes. C’est un sourire qui parle tout seul. En tendant l’oreille, vous percevez la rumeur sourde qui en émane et répète sans se lasser : « Formation, éducation, culture, aménagement du territoire, émancipation, protection, développement durable, agriculture, forums participatifs, maternité, imaginer Poitou-Charentes autrement, imaginer la France autrement, imaginer autrement autrement. »

Apprenez cela par cœur, je vous en prie, vous gagnerez du temps.

Je souris partout est le slogan caché de ce sourire et aussi son programme de gouvernement. C’est un sourire de nettoyage et d’épuration. Il se dévoue pour en terminer avec le Jugement Terminal. Il prend tout sur lui, christiquement ou plutôt ségolènement. C’est le Dalaï Mama du III e millénaire. L’Axe du Bien lui passe par le travers des commissures. Le bien ordinaire comme le Souverain Bien. C’est un sourire de lessivage et de rinçage. Et de rédemption. Ce n’est pas le sourire du Bien, c’est le sourire de l’abolition de la dualité tuante et humaine entre Bien et Mal, de laquelle sont issus tous nos malheurs, tous nos bonheurs, tous nos événements, toutes nos vicissitudes et toutes nos inventions, c’est-à-dire toute l’Histoire. C’est le sourire que l’époque attendait, et qui dépasse haut la dent l’opposition de la droite et de la gauche, aussi bien que les hauts et les bas de l’ancienne politique.

 

sego-et-francois.jpg

Un sourire a-t-il d’ailleurs un haut et un bas ? Ce ne serait pas démocratique. Pas davantage que la hiérarchie du paradis et de l’enfer. C’est un sourire qui en finit avec ces vieilles divisions et qui vous aidera à en finir aussi. De futiles observateurs lui prédisent les ors de l’Élysée ou au moins les dorures de Matignon alors que l’affaire se situe bien au-delà encore, dans un avenir où le problème du chaos du monde sera réglé par la mise en crèche de tout le monde, et les anciens déchirements de la société emballés dans des kilomètres de layette inusable.

Quant à la part maudite, elle aura le droit de s’exprimer, bien sûr, mais seulement aux heures de récréation. Car c’est un sourire qui sait, même s’il ne le sait pas, que l’humanité est parvenue à un stade si grave, si terrible de son évolution qu’on ne peut plus rien faire pour elle sinon la renvoyer globalement et définitivement à la maternelle.

C’est un sourire de salut public, comme il y a des gouvernements du même nom.

C’est évidemment le contraire d’un rire. Ce sourire-là n’a jamais ri et ne rira jamais, il n’est pas là pour ça. Ce n’est pas le sourire de la joie, c’est celui qui se lève après la fin du deuil de tout.

Les thanatopracteurs l’imitent très bien quand ils font la toilette d’un cher disparu.

 

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14 juin 2012 4 14 /06 /juin /2012 05:00

 

Quelques jours avec un poème de Paul Vincensini au quotidien. 

Au petit matin.

 

 

 

D'herbe noire 

J'avais cueulli des fleurs pour traverser la mer
Mais j'ai dormi près de l'étang
Au milieu des chevaux
Et l'amour emprisonne mon bouquet d'herbe noire
Je suis maintenant étendu sur le sable
Je ne pars plus
Je suis un petit aveugle
Et j'ai tout un coucher de soleil sur les jambes.

 

 

Paul Vincensini

D'herbe noire

 

 

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Eduardo CHILLIDA

 

 

 


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13 juin 2012 3 13 /06 /juin /2012 11:16

 

"Il faut rêver des rêves."

"Tout ce qui n'est pas donné est perdu." 

      Père Pierre Ceyrac

 

 

Une messe en sa mémoire est célébrée ce jeudi 14 juin à 18h30,

en l'église Saint-Sulpice à Paris (VIe arr.).


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Jacques Chirac, Soeur Emmanuelle, Pierre Ceyrac, Bernadette Chirac.

 

 

 



Silhouette filiforme, il avait abandonné la soutane blanche des missionnaires pour le pantalon de toile, le tee-shirt et les baskets afin d'être plus à l'aide sur sa moto Royal Enfield. "Cet homme au physique d'arbre sec et au regard habité paraît peu solide, il est d'une force incroyable...", écrivait en 2004 Jérôme Cordelier dans "Une vie pour les autres, l'aventure du Père Ceyrac" (Perrin).

Le père missionnaire jésuite Pierre Ceyrac, qui avait consacré l'essentiel de sa vie à lutter contre la pauvreté en Inde, est décédé à Chennai (Madras) dans le sud de l'Inde à l'âge de 98 ans, a annoncé vendredi sa famille dans le carnet du Figaro.

Né le 4 février 1914 à Meyssac (Corrèze), il s'était installé en 1937 après son noviciat à la Compagnie de Jésus dans la région de Madras, où il passera sept décennies à lutter contre la misère. Il était le frère de l'ancien patron des patrons français François Ceyrac, décédé il y a deux ans à l'âge de 97 ans.

Le père Ceyrac avait été promu officier de la Légion d'honneur en 2008.



Le père Pierre Ceyrac était l'un des derniers grands missionnaires jésuites et une légende vivante dans son pays d'adoption où "Father Ceyrac" a lutté sans cesse contre la misère.

En recevant en novembre 2003 à Paris, le Grand prix de l'Académie universelle des cultures, le père Ceyrac affirmait qu'il l'avait accepté, "au nom de ceux qu'il représente", les pauvres de l'Inde "d'une dignité incroyable" pour lesquels il éprouve "un immense respect".

Deuxième d'une fratrie bourgeoise et catholique de six enfants, Pierre Ceyrac naît le 4 février 1914 à Meyssac (Corrèze). Il fait ses études à l'internat Saint-Joseph de Sarlat (Dordogne), tout comme l'un de ses frères François Ceyrac, ex-président du Conseil national du patronat français (CNPF, devenu Medef) dans les années soixante-dix.

Entré en 1931 à la Compagnie de Jésus, après avoir obtenu sa licence de théologie, il part en 1937 aux Indes britanniques pour Madras, suivant l'exemple de l'un de ses oncles, missionnaire jésuite dans le sud de l'Inde. A l'université de Madras, il apprend le tamoul et le sanscrit, devient le premier diplômé étranger dans ces langues qu'il enseigne à son tour à l'université Loyola de Madras avant d'être ordonné prêtre en 1945.

Dix ans plus tard, il devient aumônier national de l'Association des étudiants catholiques de l'Inde. Il rencontre Gandhi
, sillonne l'Inde pendant plus de dix ans pour monter des projets d'aide (routes, maisons ...) aux plus pauvres, aux lépreux et aux intouchables avec le soutien des 80.000 jeunes de l'association.

 

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En 1969, le père Ceyrac abandonne ses responsabilités d'aumônier et se consacre aux plus démunis des bidonvilles de Madras et des villages alentour. Il crée à 500 km au sud de Madras une ferme coopérative, la ferme de Manamadurai (au sud du Tamil Nadu) pour offrir à des milliers de paysans travail et nourriture. Puis il lance l'opération "Mille puits" qui donnera de l'eau à un demi-million de personnes. Chaque année, des centaines de jeunes Français iront travailler sur les chantiers du père Ceyrac.

En 1980, il part comme volontaire à la frontière Cambodge-Thaïlande, accueillir les premiers milliers de réfugiés cambodgiens fuyant le régime de Pol Pot. De retour à Madras (Chennai), il crée en 1991 le mouvement "Les mains ouvertes" (lieux de rencontre et d'accueil d'enfants de familles très pauvres).

Infatigable, il parcourt encore à l'âge de 90 ans la côte sud de l'Inde pour venir en aide aux villages de pêcheurs, touchés par le tsunami de 2004 dans l'océan Indien.

Le père Ceyrac, devenu une icône de l'humanitaire comme Mère Teresa et Soeur Emmanuelle, avait passé ses dernières années à l'université Loyola de Chennai.

Promu officier de la Légion d'honneur en janvier 2008, le père Ceyrac avait publié "Pèlerin des frontières" (Cerf) et "Tout ce qui n'est pas donné est perdu" (Desclée de Brouwer).

 

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Le site du Père Pierre CEYRAC est ici :  clic !

 

 


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