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3 novembre 2011 4 03 /11 /novembre /2011 08:00

 

On connaît l’apophtegme célèbre de Tancrède dans Le Guépard, voulant convaincre le Prince Salina de se rallier à l’unité italienne : « Il faut que tout change pour que rien ne change ». Et Charles Trenet, en 1955, chantait déjà Paie tes dettes. Nihil nove sub sole. 

 

On l'écoute ici : 

http://www.deezer.com/listen-10230116

 


 

 

 

Paie tes dettes 


Il était couvert de dettes

De la tête aux pieds.

Chez lui, venaient faire la quête

Tous ses créanciers

Et pour fuir ces personnages

Qui le torturaient,

Un jour, sans faire de tapage

Il partit pour la forêt.

Au pied d'un arbre, il s'endormit

Et, pendant qu'il rêvait,

Un oiseau tout en haut de lui,

Sur une branche, lui chantait :

"Paye tes dettes, paye tes dettes, une, deux.

Paye tes dettes, paye tes dettes, mon vieux.

Paye tes dettes, paye tes dettes.

C'est mieux

Ou sans ça

Ça n'ira pas."

Il se dit dans son sommeil :

"C'est la voix d'ma conscience

Qui m'poursuit, qui me surveille.

Je vais à mon réveil

Rembourser tous ces amis

Qui m'ont fait confiance.

Non plus jamais, je me l'dis,

Je n'veux de crédit."

"Paye tes dettes, paye tes dettes !" disait

"Paye tes dettes, paye tes dettes !" l'oiseau.

"Paye tes dettes, paye tes dettes."

Allez !

Il y fût, fût tout de go.

 

Quel souv'nir, quelle belle journée

Quand il régla tout (Tout!)

C'qu'il devait d'puis des années

Jusqu'au dernier sou.

Il s'défit même de sa ch'mise.

On peut s'passer d'ça !...

Dans les bois, soufflait la brise.

Tout joyeux, il y r'tourna.

Sous le même arbre, il s'étendit.

Alors, le même oiseau

Vint s'poser là, tout près de lui,

En répétant d'un air idiot :

"Paye tes dettes, paye tes dettes, une, deux.

Paye tes dettes, paye tes dettes, mon vieux.

Paye tes dettes, paye tes dettes.

C'est mieux

Ou sans ça

Ça n'ira pas."

Dans l'instant même, il comprit

Que la voix d'sa conscience

N'était autre qu'un volatile

Absurde et obstiné

Qui répétait le même cri

Depuis sa naissance,

Sans savoir ce qu'il disait.

Quelle destinée !

"Paye tes dettes, paye tes dettes !" disait

"Paye tes dettes, paye tes dettes !" l'oiseau.

"Paye tes dettes, paye tes dettes."

Assez,

Ou je vais te fracasser !

 

Et c'est ce qu'il fit,

A l'oiseau, le cou il tordit

Et le lendemain, dans tous les magasins

Et auprès de tous ses copains...

 

Il fit des dettes, fit des dettes, une, deux.

Il fit des dettes.

Ah !

C'est mieux

Puis un soir, devenu vieux,

Très vieux,

Il mourut

Couvert de dettes.

 

Charles TRENET, 1955

 


 

Charles-Trenet.jpg

 

 

Trenet est habillé comme les anges bleus quand ils se mettent en civil. Une veste et un pantalon taillés dans le ciel du matin, une chemise plus sombre, faite d’un morceau de ciel du soir. Une cravate blanche coupée dans les nuages. Les Yeux : deux bleuets. Les cheveux en mousse blonde, comme ceux de Musset, jadis.

Paul Guth (Le Figaro littéraire, 26 juin 1954)

 

 


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commentaires

E
<br /> <br /> Et c'est quoi cette entourloupette ?<br /> <br /> <br /> A vous croire mon p'tit Charles<br /> <br /> <br /> On se devrait d'avoir des dettes ?<br /> <br /> <br /> Cabaretiste va !<br /> <br /> <br /> (+ Le portrait de Paul Guth est un bijou !)<br /> <br /> <br /> <br />
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